Maria avait dormi dans la chambre d'amis chez les Dolmen. Heureusement que cette chambre était isolée car les retrouvailles entre Tony et Paul avaient été
torrides. Des feulements et des grognements s'étaient échappés de la chambre de Paul. Le lendemain au petit déjeuner, les frères de Paul regardaient les deux jeunes amants avec des sourires
narquois et passablement envieux. Les deux autres, tout à leur bonheur retrouvé, n'en avaient cure.
Maria avait rejoint son travail de bonne heure, pressée de rencontrer son patron. Les deux jeunes gens étaient attendus chez le juge d'instruction. Ce fut encore
François qui se chargea de les accompagner. Il serait présent pour Paul qui était mineur et conseillerait Tony qui lui était majeur.
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De son coté, Olivier prenait son petit déjeuner avec son père. La tension entre les deux hommes était perceptible. Quand la bonne s'éclipsa après avoir fini de
servir. Robert demanda à son fils :
- Dis-moi, comment prépares-tu ta défense avec Maitre Manlussa ?
- Il veut tout mettre sur le dos de Renald …
- C'est une bonne tactique …
- Non ! C'est nul !
- Explique-toi !
- Sans Renald, je me serais fait violer en prison. Il a pris un risque fou en me protégeant et moi je le poignarde dans le dos ?
- Et alors, c'est son problème …
- Putain, mais ça t'arrive de penser à autre chose qu'à ton cul bordel ?
- Olivier, tu me parles sur un autre ton, je suis ton père …
- Non, Paul a un père moi j'ai un géniteur. Depuis que maman est morte, je suis seul et je m'aperçois que moi seul ami c'est Renald et toi tu me demandes de le
trahir ?
Robert Dubois bondit tel un diable de sa boite avec la ferme intention de corriger l'insolent et de lui faire ravaler sa morgue. C'était sans compter avec les
réflexes du fils. Olivier n'était plus un enfant et il bloqua violemment le poing que son père lançait vers lui.
- Voilà ta seule manière de gérer ta vie, tu ordonnes et si on ne t'obéis pas tu cognes. Putain, comme j'aimerais que tu ne sois pas mon père, dit Olivier en
repoussant l'homme face à lui.
- Il ne l'est pas !
Les deux protagonistes se tournèrent vers la porte et virent l'avocat.
- Qu'est-ce que tu racontes Gérard ?
- Juste la vérité. Olivier est majeur et sa réaction me fait plaisir, il a décidé d'assumer ses responsabilités contrairement à toi.
- Il n'est pas mon père ? Mais qui alors ?
- Moi.
- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? éclata Robert.
- Commence par t'assoir. Et laisse faire Olivier comme il le veut, il a l'air d'avoir plus de jugeote que toi.
Olivier tu comprends que tu vas devoir assumer tes actes ?
- Oui, je le sais. Mais comment ça tu es mon père ?
- Ta mère et moi nous nous sommes toujours aimés. Elle aurait pu de venir une brillante avocate, mais voilà, ton père avait jeté son dévolu sur elle. Je le
comprends, elle était très belle. A l'époque, les désirs de la famille Dubois était déjà des ordres. Ton grand-père était aussi un tyran, aussi quand ton père a demandé ta mère en mariage, elle
n'a pas pu faire autrement que de dire oui. Elle a du abandonner sa carrière pour lui. Ton grand-père n'aurait jamais accepté qu'une Dubois travaille. Seulement voilà, tu connais ton père, comme
tous les enfants gâtés dès qu'il a eu son jouet, il s'en est désintéressé. Il a recommencé à courir les putes. Pour continuer d'être auprès d'elle, je suis devenu, l'avocat de ton père et par là
même témoin de ses turpitudes et de ses vices. Nous avons continué à nous voir ta mère et moi et le jour où elle m'a annoncé qu'elle était enceinte, je savais que c'était de moi. J'ai tout fait
pour la convaincre de quitter ton père mais rien n'y a fait. Quand ton grand-père est décédé j'ai failli y arriver, mais au dernier moment elle a eu
peur de ton père et surtout de sa réaction. Puis il y a eu cet accident de voiture. J'ai cru que j'allais mourir de chagrin, mais tu étais là, seul et malheureux alors pour pouvoir t'aider, j'ai
tenu. Voilà tu sais tout.
Olivier avait les larmes aux yeux. Il se précipita dans les bras de Gérard et se laissa aller à son chagrin. Sa mère avait toujours été la blessure de sa vie et
sa disparition l'avait profondément affecté.
- Quel touchant tableau de famille, ironisa Robert.
- Que peux-tu y comprendre à la famille, répliqua Olivier. Tu n'en as jamais eu.
- Ecoutes moi bien petit bâtard …
- Non, Robert, toi écoutes, à compter de ce jour, je ne suis plus ton avocat. En revanche, je reste celui d'Olivier. Il va venir vivre chez moi. Au fait, si tu
songes à le déshériter, penses que j'ai tout prévu, il est ton fils juridiquement parlant et tu ne pourra rien y changer. Olivier, prépares tes affaires nous allons chez le juge.
- Cassez vous de chez moi, bandes de minables. Des avocats, il y en a plein.
- Oui Robert, plein, mais moi seul connait l'étendue de tes turpitudes et plus rien ne m'oblige à les taire, si jamais tu attentes aux intérêts de mon client. Et
bonne chance pour trouver quelqu'un qui te couvre comme moi.
Olivier ramassa quelques affaires dans un sac, la photo de sa mère et partit avec Gérard en direction du tribunal laissant Robert seul. La porte se ferma en
claquant. Robert était fou de rage. Il cherchait désespérément un moyen de se venger. Gérard allait le lui payer. Il appela Lechat.
- Oui, monsieur Dubois, répondit l'homme.
- Trouves moi quelqu'un pour donner une correction à Maitre Manlussa.
- Puis-je vous demander pourquoi, monsieur.
- Cet empaffé m'a trahi.
- Comme vous vouliez qu'Olivier trahisse mon fils ?
- De quoi parles-tu ?
- Vous le savez très bien. Renald m'avait prévenu mais je ne voulais pas le croire. Je vous ai entendu discuter. Trouvez quelqu'un d'autre pour faire votre sale
besogne.
- Lechat, j'ai tout ce qu'il faut pour te foutre au trou.
- Je ne tomberai pas seul, monsieur, vous tomberez avec moi. Adieu monsieur.
Lechat quitta la pièce, laissant Robert seul, en train de se dire que décidément il y a des matins où on devrait rester couché.
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Maria arriva à l'hypermarché dix minutes avant l'heure normale d'embauche. Elle fut rejointe sur le parking par le chef des ventes.
- Alors Maria, quelles sont les nouvelles ?
- Comment ça ?
- Votre fils a retiré sa plainte ?
- Il doit voir le juge ce matin.
- Je pense que vous avez pris la bonne décision. Comment pouviez-vous songer à vous attaquer à la famille du maire ?
- Je voulais juste la justice pour mon fils.
- N'oubliez pas : "Selon que vous serez puissant ou misérable …", vous ne faites pas partie des puissants, contentez-vous de ce que vous avez.
- J'ai compris, monsieur, dit Maria, contenant sa colère.
Arrivés dans les locaux du personnel, Maria s'éclipsa vers les vestiaires pendant que son supérieur rejoignait son bureau. Il affichait un air satisfait, il
allait pouvoir appeler le maire et se faire mousser. Il venait d'enlever sa veste quand le directeur du magasin passa sa tête dans l'entrebâillement de la porte et lui demanda de le rejoindre
dans son bureau. Encore une réunion débile avec ce con pensa-t-il, vivement qu'il arrive à le faire virer.